Attitude – Roger Hofstetter

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Terre à tête

Il travaille la terre avec art. De sa tête autant que de ses mains. Il y plante, installe et façonne le foisonnement des idées qui poussent à jet continu sous son crâne. Jamais noires mais chamarrées et débordantes de sève. Il les exprime avec des fleurs, bien sûr, mais aussi des légumes, des troncs, des branches, des objets, des constructions... Seule la tour d'ivoire ne figure pas à sa panoplie. Car cet enthousiaste communicatif excelle au compagnonnage. Il cultive en priorité la connivence. D'abord avec les partenaires qu'il aime associer à ses créations pour les rendre collectives. Puis avec les visiteurs qu'il considère en interlocuteurs.

Il crée des jardins. Extraordinaires au sens propre, c'est-à-dire hors du commun, et au sens figuré, c’est-à-dire pleins de surprises, d'insolite et d'intensité.

Contrairement à des générations de paysagistes, peintres ou créateurs de jardins, il ne cherche pas à modeler une nature idéalisée dans une quête de perfection. Sa démarche est bien celle d'un idéaliste, mais qui apprivoise la nature pour interpeller ses contemporains en captivant leur regard. Pour les inviter à réfléchir sur les liens qu'ils entretiennent avec elle, à partager le respect et l'admiration qu'il voue à la vie et à ses valeurs. Il met en scènes pour ce dialogue des notions fondamentales: vivant, mort, temps, équilibre, mesure, excès, limites... Derrière leur beauté formelle, ses cheminements, perspectives, plans d'eau, éléments architecturaux, sculptures, éclairages, ses choix d'espèces, formes et teintes des plantations, deviennent symboles, denses de sens. En charmant les nôtres, c'est à notre intellect qu'il s'adresse aussi, ce sont nos consciences qu'il titille de sa science.

Ce penseur de paysages, passeur de messages, producteur philosophe, technicien poète, chercheur réalisateur, artisan artiste, s’appelle Roger Hofstetter. Il est horticulteur-paysagiste de métier, jardinier extraordinaire de vocation, type bien de nature.

Nous avons, de plus en plus, besoin de gens comme lui.

Michel-Henri Krebs